16/04 Transmettre une passion plus qu’un métier

Catherine Coutant est tombée par accident dans une claire* quand elle avait quinze jours ! Autant dire qu’elle était prédestinée à reprendre l’exploitation ostréicole détenue par sa famille depuis quatre générations, à La Tremblade (Charente-Maritime). Durant toute sa jeunesse, elle passe ses vacances scolaires les pieds dans l’eau et dès 18 ans, la jeune femme entre dans l’effectif de l’entreprise.

Six ans plus tard, en 1997, son père lui transmet 75 arrhes de parc, « juste assez pour démarrer l’expédition », souligne Catherine Coutant. Elle poursuit : « Plusieurs restaurateurs de la Côte d’Azur se sont montrés intéressés par nos huîtres alors que mes parents ne les avaient pas démarchés. À l’époque, ils vendaient uniquement leur production à des marchés de gros. De mon côté, je ne voulais pas laisser passer ce marché, alors je me suis lancée. »

Créanciers machistes

Ancien commandant de marine, son père est parti en retraite dès qu’il a pu. La transmission complète de l’entreprise est donc intervenue en novembre 1999. « Je n’ai racheté symboliquement que le bateau », confie l’intéressée. Ce qui ne l’a pas empêché de rencontrer des difficultés avec certains créanciers. « Les banquiers étaient réticents à faire confiance à une femme pour mener à bien une exploitation ostréicole. » D’autant que les experts du secteur, auprès de qui les conseillers bancaires sont allés chercher des garanties, ne l’ont pas aidée. Pendant quatre ans, chaque investissement a nécessité un excès d’effort. Une situation qui s’est confirmée en 2001, quand Catherine Coutant a racheté une grande entreprise voisine, à La Tremblade.

Une famille très unie

Aujourd’hui encore, ses parents restent très proches de l’entreprise. « C’est une main-d’œuvre toujours disponible ! », plaisante la chef d’entreprise, qui ajoute : « Mon grand-père est mort quand il n’a plus été en mesure de venir à la cabane. L’élevage d’huîtres est toute notre vie. » À 66 ans, son père se charge davantage de la production. « Il est dur avec les salariés. De mon côté, je préfère emprunter des chemins détournés pour ne pas leur montrer que c’est moi qui commande ! Ce n’est pas mon seul point de désaccord avec mon père, on se dispute régulièrement, mais c’est aussi ce qui nous fait progresser. »

La gestion est son affaire. Catherine Coutant a su développer son entreprise. Elle produit actuellement 150 tonnes d’huîtres, contre à peine 60 en 2001. Avec 600 000 euros en 2007, elle a multiplié le chiffre d’affaires de son père par 10 grâce à l’expédition et à la vente directe sur les marchés de Charente-Maritime.

Malgré la pénibilité du métier, la dirigeante de l’EARL Coutant Huîtres ne regrette pas une seconde d’avoir repris l’entreprise familiale. Elle explique son secret : « Mon grand-père a commencé à m’apprendre le métier quand j’ai eu 11 ans. Il a pris le temps de m’imprégner de sa passion. Et l’ostréiculture doit être une passion avant tout. Je travaille 80 heures par semaine et je n’ai pas pris de vacances depuis dix ans. Une personne qui débarquerait dans ce milieu du jour au lendemain aurait beaucoup de mal à apprendre ce métier. »

*claire= terme d'ostréiculture, bassin d'affinement pour huîtres adultes